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Allocution de Bruno PERMEZEL 9 janvier 2023

COMMÉMORATION DU QUATRE-VINGTIÈME ANNIVERSAIRE
DE
LA RÉQUISITION DE LA PRISON DE MONTLUC PAR LES FORCES D’OCCUPATION
ET
DU TRANSFERT DU GÉNÉRAL DE LATTRE À LA PRISON SAINT-JOSEPH DE LYON
(MONTLUC, 9 JANVIER 2023)
Monsieur le directeur de cabinet du préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes/préfet du Rhône,
merci de votre présence fort appréciée,
Chère Andrée Gaillard, présente ce jour par la pensée, internée à l’âge de huit ans à Montluc pendant
vingt-huit jours, libérée lors du départ de votre mère, résistante, pour son terrible parcours de
déportée,
Cher Claude Bloch, interné à l’âge de quinze ans à Montluc, ultime rescapé lyonnais de la Shoah,
Chères familles d’internés à Montluc,
Monsieur le président du conseil d’orientation du Mémorial national de la prison de Montluc,
Monsieur le représentant de la Fondation Maréchal de Lattre,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs les maires et adjoints de communes théâtres de massacres d’internés à
Montluc,
Mesdames et Messieurs les représentants de l’Union nationale pour la mémoire des internés à
Montluc par la Gestapo, à savoir :
L’ACVG-PTT nationale/section Rhône,
L’ADIRP/Rhône,
L’Amicale des anciens déportés d’’Auschwitz et des camps de Haute-Silésie/Auvergne-Rhône-Alpes,
L’Association de Buchenwald-Dora,
L'Amicale des déportés de Cluny,
L’Amicale de Dachau,
Les Amis de la Fondation de la Résistance,
L’Amicale de Mauthausen,
L’Amicale Mémoire du Réseau Gallia/national,
L’ANACR/Rhône,
L’Amicale de Neuengamme,
L’Amicale de Ravensbrück et des Kommandos dépendants,
L’Amicale de Sachsenhausen,
L’Association Saint-Didier-commune rurale, nature et patrimoine,
L’Association des Amis du Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation de Lyon,
L’Association des Amis de la Fondation de la mémoire de la Déportation,
L’Association des rescapés de Montluc,
L’Association pour la mémoire des résistants de l’Armée secrète Loire,
Le Comité départemental de liaison des associations d’anciens combattants, de déportés et de
résistants du Rhône et de la Métropole de Lyon,
L’Association Prix Montluc-Résistance et Liberté,
Le Conseil représentatif des institutions juives de France/Auvergne-Rhône-Alpes,
LA FNACA du Rhône
La FNACA de Romans-sur-Isère,
La FNDIRP de l’Isère,
La Fondation de la France libre,
La Fondation Maréchal de Lattre,
La Journée départementale de la Résistance,
La Section du Rhône et de la métropole de Lyon de l'Association nationale des membres de l’Ordre
national du Mérite,
Les Pionniers du Vercors,
L’UNADIR,
L'Union départementale de Saône-et- Loire des Combattants volontaires de la Résistance,
Monsieur le Grand Rabbin de Lyon et de la région Auvergne-Rhône-Alpes,
Monsieur le recteur de la grande Mosquée de Lyon, merci de votre présence pacifiante et
encourageante,
Monsieur le représentant de l’Église protestante unie de Rhône-Alpes,
Messieurs les représentants du culte catholique,
Monsieur le Rabbin de la synagogue de Lyon-Tilsitt,
Monsieur le consul général honoraire de la République fédérale d’Allemagne,
Monsieur le directeur des Archives du département du Rhône et de la métropole de Lyon,
Madame la directrice du Service national et de la Jeunesse de Lyon, merci de votre présence fort
appréciée,
Monsieur le représentant des Fils morts pour la France, des Fils tués du Rhône,
Monsieur le représentant des Gueules cassées,
Monsieur le représentant de l’Association des membres et sympathisants des enfants de la
Résistance,
Madame, Monsieur les représentants de la délégation du Souvenir français du Rhône,
Monsieur le président de la Fédération du Rhône de la Ligue des droits de l’Homme,
Monsieur le professeur, mesdemoiselles et messieurs les élèves du collège Paul-Éluard de Vénissieux,
Chers amis, soutiens de la mémoire des internés à Montluc par la Gestapo,
Chers porte-drapeaux, toujours fidèles, quel que soit le temps,
Au nom de l’Union nationale des associations pour la mémoire des internés à Montluc par la
Gestapo, organisatrice de ce temps fort, un chaleureux merci pour votre présence d’importance.
Le 31 décembre 1942, il y a eu quatre-vingts ans, deux officiers allemands se rendent à la
prison lyonnaise de Montluc en vue d’évaluer sa capacité de places.
Une semaine plus tard – le 8 janvier 1943 –, notification lui ayant été faite de la réquisition
partielle du site par les forces d’occupation, le Gouvernement de Vichy cesse d’incarcérer à Montluc,
accepte la présence de soldats allemands au côté des gendarmes français. Commencent à arriver les
premiers prisonniers des Allemands.
Le 9 janvier 1943 – il y a exactement quatre-vingts ans ce jour –, le général Jean de Lattre de
Tassigny, en détention au pavillon des officiers, pour avoir désobéi à l’ordre du Gouvernement de
Vichy de n’opposer aucune résistance à l’invasion de la zone sud, ne regagne pas Montluc après
lecture de l’énoncé de sa condamnation à dix ans d’emprisonnement par la section de Lyon du
Tribunal d’État. Transféré à la prison Saint-Joseph, il rejoint, un mois plus tard, celle de Riom, d’où il va
s’évader.
Territoire allemand depuis le 17 février 1943, jour de son entière réquisition, la prison de
Montluc, vidée de son personnel français et de l’ensemble de ses détenus par l’autorité française –
transférés sur trois sites –, passe sous le contrôle exclusif de la Wehrmacht, au service de la Gestapo.
Dès lors, jusqu’à sa libération le 24 août 1944, Montluc va renfermer une dizaine de milliers
d’« indésirables », entassés dans des conditions inhumaines, parce que coupables d’être nés juifs,
parce que fautifs d’une présence au mauvais endroit, le mauvais jour à la mauvaise heure, parce que
convaincus ou suspectés d’aide à la Résistance.
Couloir de la mort pour environ six cents martyrs, Montluc est en 1943-1944 principalement
l’antichambre régionale de l’atroce déportation dans les camps de concentration et d’extermination.
Dans la nuit du 24 août 1944, contre toute attente, survient la libération de la prison.
Passe un demi-siècle d’activité pénitentiaire… S’y écoulent, entre septembre 1959 et janvier
1961, de très sombres heures de l’Histoire de France qui ne peuvent ni ne doivent être occultées.
En 2000, la décision de construction de la maison d’arrêt de Lyon-Corbas, regroupant
l’ensemble des sites pénitentiaires lyonnais, condamne Montluc à la destruction, dans l’indifférence
générale.
Las ! c’était compter sans la réactivité de l’Association des rescapés de Montluc, créée en
octobre 1944 par des internés libérés le 24 août précédent.
Déterminée, in situ, dès le 24 août 2000, elle demande officiellement la sauvegarde du site de
la prison de Montluc au titre du patrimoine mondial de l’inhumanité.
S’ensuit un long combat solitaire de neuf années qui, malgré la plus mauvaise volonté des
services de l’État, aboutit, d’abord, le 25 juin 2009, à l’inscription partielle du site à l‘Inventaire
supplémentaire des Monuments historiques, puis, le 14 septembre suivant, à la remise officielle du
tènement au ministère des Armées, gestionnaire du site promu haut lieu de la Mémoire nationale.
C’est justice de rappeler, en ce jour de mémoire, que sans l’invraisemblable ténacité de Beate
et de Serge Klarsfeld à confondre en Bolivie Klaus Barbie, à le faire extrader en France, puis à le faire
juger sur le lieu de ses crimes, jamais Montluc, geôle régionale de la Gestapo, ne serait devenue
Mémorial, c’est-à-dire un sanctuaire durable de conservation du souvenir d’une entité remarquable.
Cette entité, dont le qualificatif remarquable est à employer avec des guillemets, fut, à
Montluc, en 1944, la commission de deux crimes contre l’humanité reconnus par la cour de
cassation, puis par la cour d’assises du Rhône, dans le cadre des poursuites engagées contre Klaus
Barbie.Clé de voûte du Mémorial de Montluc, ce crime exceptionnel du droit international,
imprescriptible, doit avoir été la résultante d’un plan concerté visant soit à exterminer des êtres
humains, pour les exclure de la communauté humaine, soit à leur réserver un traitement inhumain, à
raison de leur race, de leur religion ou de leurs opinions, ou, encore, à raison de la résistance qu’ils
ont opposée à ce plan concerté.
Ainsi, la remémoration, au sein du Mémorial, du crime contre l’humanité perpétré les 6 et 7
avril 1944 à Montluc envers les quarante-quatre enfants juifs de la colonie d’Izieu, au lieu même de
leur enfermement dans une aile des ateliers, formellement localisé par des témoins à l’occasion du
procès Barbie, ne peut être sacrifiée au profit de l’installation, en cet espace, d’une salle pédagogique
pouvant trouver une autre implantation dans le site.
Priver le visiteur de Montluc, seul ou en groupe, d’une halte en ce lieu symbolique, propre à
faire prendre la mesure de ce crime extrême, ne peut recevoir aucune justification admissible. Quoi
qu’il en coûte, les quarante-quatre « innocents » d’Izieu ont, à jamais, le droit moral à l’évocation de
leur martyre au lieu même de leur internement. En décider autrement serait un crime contre l’esprit
de fondation du Mémorial.
De même, dans l’ancien réfectoire des hommes, partie intégrante de l’aile mémorielle
exclusivement consacrée à la répression nazie, l’évocation des 10.000 internés de Montluc et la
présentation du crime contre l’humanité perpétré le 11 août 1944 à Montluc envers cinq cents
détenus : enfants, femmes et hommes - juifs et résistants -, appelés puis rassemblés pour être dirigés
vers les camps de concentration et d’extermination, ne peuvent être diluées au sein d’autres
thématiques évoquant des tranches postérieures de l’histoire de la prison. En décider autrement
serait un crime contre l’esprit de fondation du Mémorial.
Pareil rejet de ces projets avancés n’est pas le fait de quelques individualités rétrogrades,
aveuglées par un militantisme mémoriel, prompt à promouvoir une mémoire sélective.
Dès qu’il a eu connaissance de ces projets, l’ensemble des membres non institutionnels du
conseil d’orientation du Mémorial ont rallié à l’unanimité cette contestation pacifique, relayée, depuis
le 6 décembre dernier, par une coordination nationale du refus qui a pris le nom d’Union nationale
des associations pour la mémoire des internés à Montluc par la Gestapo.
Que nul ne se méprenne. Il ne s’agit point d’occulter les autres mémoires que porte la prison
de Montluc, mais simplement de ne pas les confondre. La mémoire d’une Nation est faite d’une
addition, non d’une confusion des Mémoires.
Ce n’est point outrager une mémoire que de la hiérarchiser par rapport à une autre, car rien ne
peut être placé en regard du crime contre l’Humanité, érigé par la loi de notre République en crime
suprême dont la contestation est pénalement répréhensible.
Assurément, un Mémorial se compose des morts, qui en sont le fondement, aussi bien que des
vivants qui veillent à sa pérennité dans le temps. Assurément, il n’existe pas de guerre propre ; les
victimes de chaque guerre, reconnues ou non comme telles, ont droit à la même égalité de
traitement de la mémoire.
La guerre des mémoires, la rivalité des traumatismes, la concurrence des victimes, le
ressentiment n’ont pas droit de cité dans un Mémorial.
Déni de civilisation, notion juridique à ne pas utiliser à contre-emploi, le crime contre
l’humanité a sa place à part, il ne peut être dilué parmi les autres.
Plutôt que d’applaudir, prenons-nous par la main pour, dans le silence et à la vue des portraits
de deux mille des 10.000 victimes de la Gestapo à Montluc, marquer publiquement, profondément,
cette évidence.
Bruno PERMEZEL

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